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TRANCHES DE MA VIE D'ADULTE 2

Retour à la vie

Premiers petits pas, toujours aux soins intensifs et premier résultat concluant : du sang dans mes urines = le retour de mes règles. 

Afin de me transférer dans le service d'endocrinologie pour le suivi opératoire  il fallait m'enlever ces mèches dans le nez qui m'empêchaient de respirer et commençaient à s'accrocher à mes parois sous l'effet de la coagulation. 

Je ne pense pas avoir ressenti pire douleur que celle que me provoqua ce geste infirmier. D'un coup sec mais long, on m'arracha ce corps étranger du nez me provoquant un cri qui,  je pense, traversa le couloir.

Mais, j'étais LIBÉRÉE ❤ Libérée également des cathéters piqués dans mes veines et des perfusions.

Transférée dans le service endocrino en fauteuil roulant car encore trop faible, les effets des anti douleurs commençaient à disparaître. 

De violents maux de tête apparurent à  ne plus pouvoir supporter la lumière ni les conversations. Tout faisait écho dans mon crâne. Ça cognait, cognait, cognait...

On ferma les volets  dans le silence et me remis sous perfusion anti douleur encore un ou deux jours. Cela semblait normal après une telle opération et j'espèrais juste que cela fasse partie du processus de rétablissement. Je me nourris à nouveau, me levai et commençai à marcher dans le couloir accrochée à  la barre.

J'avais l'impression de faire "mes premiers pas" comme un enfant. Chaque jour, une petite victoire.

PREMIÈRE DOUCHE ❤

S'il fallait vous dire à quel moment je suis revenue à la vie, je vous dirais , sous la douche. Je profitai de la visite de maman pour qu'elle m'aide car j'avais encore la tête qui tournait.

JE ME SOUVIENS

Assise sur un tabouret, j'enlève mon grand T shirt. Maman ouvre l'eau et passe doucement le pommeau sur mes pieds, mes jambes, mes bras et ma tête.....

L'écoulement de l'eau était comme une caresse sur mes cheveux, mes paupières,  mon nez endolori, ma bouche.. 

Je serais bien restée là des heures mais je commençais à grelotter. Propre, sentant bon, j'enfilai un nouveau t shirt et m'allongeai. J'avais l'impression d'avoir couru un marathon mais j'étais bien. Je m'endormis

Des blouses blanches,  j'en vis passer....de jeunes infirmières stressées à l'idée de me piquer dans ce creux de bras abîmé par les précédents cathéters et prises de sang,  d'autres plus aguerries. Des aide soignantes aux petits soins, d'autres moins selon la masse de malades à s'occuper....Des internes avec encore une proximité qui, malheureusement, s'en irait avec les années et les échelons gravis. On m'expliqua le traitement que j'allais avoir maintenant à vie pour compenser le travail que ne faisait plus cette partie de l'hypophyse enlevée.

J'étais maintenant en Insuffisance surrénalienne corticotrope. Me l'avait t'on dit avant l'opération ? Je ne m'en rappelle pas... De toute façon, cette conséquence était moins grave que ce qui aurait pu m'arriver. La bonne nouvelle arriva du laboratoire, pas de trace cancéreuse dans ce qu'il m'avait enlevé. 

Les journées étaient longues, Anne, mon amie, affronta sa phobie de l'hôpital et vint me rendre visite. Je la vois encore dans l'encadrement de la porte luttant pour ne pas s'évanouir... Merci Anne, cette visite était une bouffée d'air estival pour moi.

Je pus enfin aller marcher à l'extérieur et repris le chemin de l'appartement...Ma convalescence commençait.

J'ai fait des cauchemars pendant des années sur cette période. Je me faisais même des scénaris où j'entrais dans l'hôpital en gueulant et claquant les portes renversant tout sur mon passage comme un ouragan. Une manière pour moi d'extérioriser...

Cette année là, mes parents avaient acheté une petite maison dans un lotissement au Pouliguen, pour pouvoir accueillir leurs petits enfants.

C'est là que je partis reprendre pieds ...

Le Pouliguen a été pour moi un véritable Havre de paix du début jusqu'à la fin en 2019. 

Une petite maison dans un lotissement avec piscine, tout d'abord avec juste une mezzanine où nous dormions les uns contre les autres avec maman et papa en bas dans un canapé lit vite plié le matin au réveil. Ensuite, au fur et à mesure que la famille s'agrandissait une chambre supplémentaire avec lits superposés ....

Baignades avec Marie - toutes les 2 amoureuses de l'élément "eau" -, parties de pêche avec Valentin et Rémi, ballades le long de la côte sauvage, rires, câlins, retour en enfance pour moi, trous creusés sur la plage à coups de pelles,  chasse aux coquillages, crevettes et crabes à marée basse. Promenades le soir sur le port avec niniches ou glaces à déguster.

JE ME SOUVIENS

Partis pour la Plage du Nau, maman les enfants et moi en passant par la mer qui nous laissait le chemin libre à marée basse. Sur place, hésitation.....allions nous pouvoir passer ? Vaille que vaille, on y va...remontant nos jupes et pantalons au maximum tâtant du bout des pieds au milieu des cailloux et rochers....

La mer montait....

Une vague

Une deuxième et nous arrivâmes à la plage ....TREMPÉS....Mais quels fous rires...

JE ME SOUVIENS 

Le soir, retour du port. Un raccourci par un petit chemin dans le noir complet, là aussi à tâtons, essayant de ne pas tomber sur les crottes de chiens qui parfois le parsemaient. A la queue leu leu car nous n'y voyions rien et maman entonnant la chanson " ce petit chemin qui sent la noisette, ce petit chemin n'a ni queue ni tête....🎶"

Baignades, ballades, air marin iodé et tout l'amour qui m'entourait me renvoyait sur Angers en pleine forme. 

Les enfants vinrent de moins en moins, normal  ils étaient grands et indépendants maintenant. Je continuais à en profiter au début en compagnie de maman et papa, parfois le copain du moment ou ces dernières années seule et toujours amoureuse de cet océan à perte de vue.

Août 2019, dernier été au Pouliguen....

Panneau A VENDRE

Je le quittai le cœur lourd et les larmes aux yeux

Mais j'y retournerai...





Jacek, sa sœur Jolanta et moi
Jacek, sa sœur Jolanta et moi

Jacek : une passion destructrice 

Suite à mes premières vacances au Pouliguen où je me remis de mon opération,  je repris le chemin de l'ISAIP.

Je continuais à aller en endocrinologie une fois par an pour des examens de contrôle et un RDV avec le Pr B.

Le centre de documentation prenait forme et c'est là que je vis Jacek, en formation pour quelques mois, pour la première fois. 

Au moment où j'écris ces lignes, je me dis  avec le recul, que j'aurais préféré ne l'avoir jamais rencontré...Si j'avais su, j'aurais tourné la tête de l'autre côté car j'allais emprisonner mon cœur contre son gré...

Jacek, ce fut le coup de foudre mais plus violent de mon côté que du sien. 

Au premier regard, je plongeai dans ses yeux bleus...Il était blond, grand..... Le "prince charmant " qui s'avérera pas si charmant que cela. Et lorsque Cupidon dégaina sa flèche, ma raison s'envola...

Mon cœur et mon corps en sommeil pendant ces années de lutte contre la maladie, étaient en ébullition, moi si raisonnable,  je ne me reconnaissais pas moi même. 

Je me souviens 

Venue en bus jusqu'à sa petite chambre étudiante dans un foyer où aucune visite n'était autorisée après 22 heures, je me faufilai discrètement par la porte d'entrée du bâtiment, dans le noir, montai l'escalier bravant l'interdit et frappai à sa porte le cœur prêt à exploser. 

N'ayant pas encore eu de relations sexuelles avec pénétration, cette première fois était pour moi sublime....sur le moment...j'aimais son corps, j'aimais quand il était en moi...

Avec le recul, ce fut une première fois assez bâclée, sans tendresse dans un petit lit à une personne avec des gestes maladroits pour mettre un préservatif de mauvaise qualité. Mais j'idéalisais au maximum....

Je me souviens 

Comme repas, il nous avait préparé des pâtes avec des morceaux de camembert. Pour moi, c'était un repas de prince....

A la fin de son séjour en France  je ne pus m'empêcher de le suivre en Pologne,  tous les deux en voiture  profitant de mes vacances. A mesure que nous approchions de son pays,  les routes étaient de moins en moins entretenues et au passage de la frontière,  c'était un autre monde que je découvrais. La Pologne n'avait retrouvé son entière indépendance que depuis 2 ans en 1989 et les villes et villages portaient encore les stigmates de ces années sous le jouc soviétique. Une ambiance de villes mortes aux bâtiments gris...

Cela me permit, avec le recul, de comprendre sa volonté de rester en Pologne pour relever son pays, cette ambition qui le dévorait alors que moi c'était l'amour qui me dévorait...

Je rencontrai, son père, sa sœur et son fils. Sa maman était décédée alors qu'il était adolescent. 

J'aimais sa petite Fiat orange " boîte à savon" , son vieux pull et ses vieilles chaussures alors qu'il rêvait d'une grosse voiture et de vêtements chics....

Séjour "Love to Love" à Czestochowa,  Cracovie, une rose offerte, une bague...

Mais,

Je dus rentrer en France pour honorer mon contrat de travail et refaire d'autres examens médicaux. Il me disait "reste" mais je ne pouvais pas : la pauvreté médicale du pays où je ne pouvais pas avoir mon traitement,  mon ignorance de la langue et ma peur de tout laisser tomber si vite en France alors qu'il n'était encore pour moi qu'un inconnu.

Je le quittai donc avec la promesse de le revoir. 

Ce fut moi qui y retournais, à plusieurs reprises, jamais lui....Je mettais ça sur le compte de ses petites finances. De Czestochowa, il partit pour Varsovie. L'appel de la capitale qui commençait à prendre de l'essor et l'appel d'une vie aisée.

Nous nous retrouvions après des mois sans s'être vus...Nous refaisions connaissance car Jacek n'était plus vraiment le même. Ces séjours étaient décevants pour moi et je pense que déjà l'amour n'était plus là mais je me le niais à moi même. Nos ébas " amoureux" devenaient mécaniques. J'étais consentante mais par peur de le perdre. Je passais la plupart des journées seule, lui très pris par son nouveau travail dès le petit matin jusqu'au dernier jour alors que j'allais reprendre l'avion quelques heures après. Il me dit " stay" et non plus "reste" à l'aéroport mais  pourquoi voulait-il que je reste ? Je ne le savais pas et ne le sus jamais car même bien plus tard lorsque j'appris son mariage, il ne put me le dire : il ne se souvenait plus...

Il ne me parlait pas d'amour ni de projets à 2. Il me disait qu'il ne voulait pas s'engager avant ses 40 ans....J'avais 26 ans alors, et, moi j'étais prête.  Je repartais en pleurant mais avec toujours l'idée de revenir pour de bon une fois mon contrat terminé à l'ISAIP , avec en poche, des adresses sur Varsovie pour enseigner le français et consulter un endocrinologue comprenant le français car j'apprenais le polonais, mais je tâtonnais.

Si je n'avais pas eu cette maladie à gérer, serais je partie sans réfléchir ?  OUI

Je l'appelais au téléphone,  lui non...."Too busy" me disait-il. Pas de Skype à l'époque....

Il s'acheta un vieil appartement qu'il allait faire retaper et ce fut la raison qu'il me donna pour me dire de ne pas venir alors que moi, alors sans travail, j'étais prête avec ma grosse valise flambant neuve et un répertoire d'adresses pour ce pays si différent de la France. 

J'étais complètement aveugle...

Et ce furent des collègues  qui me mirent la vérité sous les yeux : " ne penses tu pas Élisabeth qu'il a quelqu'un en Pologne ?"

Je me souviens 

Je l'appelle et tombe sur une voix féminine me disant qu'il rentrera plus tard. 

"It's just a friend" me dit il lorsque je le rappelai. "I'll call you back"

I'LL CALL YOU BACK

I'LL CALL YOU BACK

HE NEVER CALLED ME BACK Et le téléphone ne répondait plus. Pourquoi ne m'avait t-il pas dit que mes appels et mes projets pour venir le rejoindre ne servaient plus à rien ? 

Pourquoi choisir le silence pour mettre fin à une relation. Le deuil en est d'autant plus difficile...Aussi étonnant que cela puisse paraître,  la distance n'avait pas libéré mon cœur.

Quelques années tard, je le recherchai,  suite à un échec sentimental, et j'appris la naissance de sa fille et son mariage. Il avait bien attendu ses 40 ans pour s'engager, avait monté sa propre entreprise après avoir amassé pas mal d'argent en travaillant pour une entreprise américaine...

Et moi, depuis 2 ans, je hantais à nouveau les salles d'attentes des spécialistes pour une endométriose sévère. 





Babé